Le présent volume rassemble huit Réponses académiques au concours lancé pour 1784 par l'Académie Royale de Berlin sur la question de l'universalité de la langue française: Antoine de Rivarol en fut lauréat, et Johann Christoph Schwab avec lui. Du premier nous publions le Discours sur l'universalité de la langue française, d'après l'édition de 1797, revue en 1808; du second la Dissertation sur la langue françoise, traduite en 1803 par Robelot (d'après l'exemplaire de la Bibliothèque de l'Institut).
Les autres mémoires, inédits, sont conservés aux Archives de l'Académie de Berlin-Brandebourg; nous avons retenu ceux qui furent rédigés en français et dont l'état de conservation permet un établissement du texte in extenso. Bien que notre lecture diffère considérablement de celle qu'a établie J.Storost (Langue française-langue universelle, Bonn, Romanistischer Verlag, 1994), le lecteur pourra se reporter à celle-ci pour un autre état du manuscrit. Nous le suivons dans l'attribution des manuscrits anonymes (selon la règle du concours), sans toutefois garantir encore la stricte authenticité des auteurs (dont le nom est indiqué entre crochets).
Nous avons conservé les particularités de ponctuation et d'orthographe des auteurs, manifestement germanophones, sauf lorsqu'elles risquaient d'apparaître trop choquantes aux lecteurs français (ainsi l'accord du participe passé, contesté par les Allemands), ou semblaient des erreurs manifestes de l'auteur ou du copiste; nous avons en général rétabli l'usage ordinaire en français de l'italique et des majuscules, partout très variable.
Pierre Pénisson
ACADEMIE DE BERLIN
De l'universalité de la langue française (1784)
"Il faut parler espagnol avec Dieu, français avec les amis, allemand avec ses ennemis, et italien avec les dames", disait Charles Quint dont l’empire ne voyait jamais se coucher le soleil. Lorsque Frédéric Il roi de Prusse fondait l’Académie royale de Berlin, de langue française, il jugeait la langue allemande impropre à la littérature; l’usage du français, avec les réfugiés huguenots, s’était largement répandu dans ses états ; et depuis 1737 les questions portant sur l’origine, la fonction et la valeur des langues étaient en vogue.
L’Académie de Berlin proposa donc aux concurrents de réfléchir Sur les causes de l’universalité de la langue française, sur le mérite de cette langue, et sur la durée future de son empire. Parmi les quarante manuscrits anonymes français et allemands (perdus pour la plupart, brûlés selon la règle: seul était publié le lauréat), on sait qu’Antoine de Rivarol remporta le prix («c’est un phosphore» dit quelqu’un), on oublie qu’il le partagea avec Johann-Christoph Schwab (dont le mémoire est en effet remarquable).
Nous publions huit Réponses académiques rédigées en français (à l’exception de la Dissertation de Schwab, traduite en 1803 par Robelot), pour la plupart savantes et parfois profondes, toujours intéressantes, instructives sur l’histoire et les caractères des langues. Toutes conviennent de l’utilité d’une langue commune pour l’Europe, en variant sur les réponses : tantôt l’universalité du français semble de droit, en vertu de raisons théoriques, tantôt seulement de fait, pour des causes éphémères. L’une vante les mérites incomparables de la langue russe, une autre démontre -et de façon fort convaincante- que jamais l’anglais n’aura la suprématie de par le monde...
(Catalogue des Auteurs, CF)