Les textes réunis dans le présent volume constituent un ensemble de documents précieux pour rendre compte de l’état des connaissances médicales au XVIIIe siècle.
L’Eloge d’ Étienne Hyacinthe de Ratte , qui ouvre la Nosologie méthodique, restitue de manière conséquente cette figure de la médecine en retraçant son parcours éclectique et érudit. La Nosologie méthodique (1772) – travail qui a occupé presque trente années de la vie de l’auteur, dont nous publions le Discours préliminaire – s’impose comme un document fondamental pour comprendre les débats entre scientifiques, philosophes et médecins portant sur les critères de classification des maladies. Ces dernières peuvent-elles être appréhendées comme des espèces susceptibles d’être rassemblées dans des classes, des genres, des ordres, à l’image des plantes ? Le Discours est, de ce point de vue, un exemple intéressant de la circulation entre concepts philosophiques et médicaux. Les deux éditions connues et disponibles du texte traduit du latin en français datent de 1772 : Nicolas et Gouvion. Il s’agit donc d’éditions posthumes, aucune n’ayant été publiée, à notre connaissance, du vivant de l’auteur. Nous avons retenu l’édition de la Nosologie de Gouvion (Lyon, J.-M. Bruyset, 1772, 10 vol. in-12), plus estimée des médecins qui ont lu Sauvages, plus proche du texte original.
Trois autres textes éclairent également l’état des connaissances médicales. La Dissertation sur la nature et la cause de la rage (1748, Toulouse, 1749, in 4°, 60 pages, source de la présente édition ; reprise dans Les Chefs d'œuvre de M. de Sauvages, 1770, Lyon, 1770, vol. I) , réunit des références très anciennes relatives à cette affection et des hypothèses plus récentes. Oscillant entre un certain imaginaire confinant à l’anecdote fantaisiste et une série d’hypothèses de nature étiologique, cette dissertation se révèle être également un témoignage sur les interrogations et recherches de nature épidémiologique de cette époque, portant sur les facteurs autant que les risques de transmission de l’animal à l’homme. Une préoccupation analogue anime le Mémoire sur la maladie des bœufs du Vivarais (Montpellier, seconde édition, 1746). De tels textes permettent de constater que les préoccupations épizootiques traversent positivement le champ des pratiques et des savoirs de la médecine au XVIIIe siècle. De plus, le travail précis d’observation de l’auteur dans ce mémoire témoigne de l’exigence d’une connaissance fondée sur les faits, exigence philosophique que rappelle le Discours préliminaire de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, évoquant une tradition remontant au moins à Bacon.
La culture scientifique de Boissier de Sauvages se montre enfin dans un autre texte : la Dissertation où l’on recherche comment l’air suivant ses différentes qualités, agit sur le corps humain (Bordeaux, 1754). Ce texte comporte un ensemble organisé et argumenté de considérations chimiques, physiologiques et médicales relatives à la thématique de l'air et à la manière dont le corps vivant – des hommes comme des animaux – réagit aux différentes variations atmosphériques ; il prend en compte le rôle de l'air vicié, corrompu, porteur de pathologies souvent mortelles à l'époque. La réflexion de l’auteur porte, ainsi, sur ce qui apparaît être une tension permanente entre le microcosme du corps vivant et le macrocosme de la nature. Cette tension s’exprime sous la forme d’une chaîne réactionnelle plus ou moins prévisible – jeu perpétuel entre le normal et le pathologique – objet d’une investigation médicale jamais satisfaite.
Si ces textes sont loin de rendre compte de l’œuvre entière, ils permettent de restituer des aspects significatifs, non seulement parce qu’ils expriment un ensemble de préoccupations récurrentes chez cet auteur, mais aussi parce qu’ils reflètent avec une indiscutable authenticité les centres d’intérêt et de recherche de la médecine du XVIIIe siècle. Enfin, les références nombreuses aux médecins et scientifiques italiens (Lancisi ou Ramazzini), anglais (Hales), allemands (Stahl) ou encore hollandais (Boerhaave), témoignent de la dimension européenne de la culture médicale de cette période. L’univers intellectuel et scientifique qui imprègne cette œuvre est celui d’une circulation dynamique des savoirs et des expériences.
Nous publions ces écrits dans leur intégralité, en respectant autant qu’il est possible (sauf incompréhension ou erreur manifeste) les éditions originales dans leur présentation et dans leur orthographe, variables d’un texte à l’autre et à l’intérieur d’un même texte. Les notes de l’auteur sont, comme dans les éditions de référence, en bas de page, à l’exception, dans la Dissertation(...) sur la Rage d’une « Observation » à part, appelée par un astérisque ; et dans le Mémoire sur la maladie des Bœufs, de textes parallèles séparés du texte principal par une ligne horizontale, que nous avons rejetés à la fin du Mémoire et indexés par des lettres (A à L) entre parenthèses dans la page concernée.
Nous remercions la BIUM qui a mis à notre disposition la Dissertation sur la nature et la cause de la rage et le Discours préliminaire de la Nosologie méthodique
Gilles Barroux.